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Dans la foulée de la hausse immobilière qui frappe les grandes villes canadiennes, le gouvernement a légiféré pour tenter de stabiliser la situation. Il s’est ainsi attaqué à la demande du marché en mettant en place la Loi sur l’interdiction d’achat d’immeubles résidentiels par des non-Canadiens (la « Loi ») qui est entrée en vigueur le 1er janvier 20232 et qui sera en vigueur pour une durée de deux ans3. Cette Loi vise à interdire l’achat de propriétés résidentielles aux non-Canadiens.
L’interdiction est énoncée à son article 4 (1):
« Malgré l’article 34 de la Loi sur la citoyenneté, il est interdit à tout non-Canadien d’acheter, directement ou indirectement, tout immeuble résidentiel. »
On ne vise que les immeubles résidentiels de trois logements et moins. Les immeubles commerciaux et ceux de quatre logements et plus ne sont donc pas compris dans la définition de la Loi et de son Règlement. Sont aussi exclus de l’interdiction les immeubles étant localisés dans une région autre que les agglomérations de recensement ou les régions métropolitaines de recensement4.
Une région métropolitaine de recensement ou une agglomération de recensement, suivant la définition donnée par le gouvernement canadien, est formée d’une ou plusieurs municipalités. La région métropolitaine de recensement doit avoir au minimum 100 000 habitants et son noyau doit en contenir 50 000. Celles qui se retrouvent au Québec sont les suivantes : Saguenay, Québec, Sherbrooke, Trois-Rivières, Drummondville, et Montréal5. Quant aux agglomérations de recensement, leurs noyaux doivent être de 10 000 habitants. On en compte vingt-trois au Québec parmi lesquelles figurent, notamment et sans limitation : Saint-Hyacinthe, Joliette, Salaberry-de-Valleyfield, Sorel-Tracy, Thetford Mines et Sainte-Agathe-des-Monts.
Un immeuble résidentiel qui se trouverait à l’extérieur de ces zones, et qui serait donc dans une zone d’influence métropolitaine de recensement6, ne serait pas donc pas soumis à la restriction d’achat.
La Loi les définit comme étant tout individu autre qu’un citoyen canadien, qu’une personne inscrite à titre d’Indien au sens de la Loi sur les Indiens ou qu’un résident permanent.
En ce qui a trait aux personnes morales, il s’agit de toute société qui a été constituée autrement que par une loi fédérale ou provinciale. On y inclut aussi celles qui, malgré le fait qu’elles aient été constituées par une loi fédérale ou provinciale, ont des actions qui ne sont pas cotées à la bourse au sens de la Loi de l’impôt sur le revenu et qui sont contrôlées par un non-Canadien. La notion de contrôle est définie par le Règlement sur l’interdiction d’achat d’immeubles résidentiels par des non-Canadiens7. Elle correspond notamment à la propriété directe ou indirecte d’actions ou de titres de participation qui sont à la hauteur 3% ou plus de la valeur des capitaux propres ou qui octroie 3% ou plus des droits de votes d’une société.
Il convient de préciser qu’il existe une série d’exceptions permettant à un non-Canadien d’outrepasser l’interdiction. Parmi celles-ci figurent notamment les suivantes: a) il est un résident temporaire, b) il est une personne à qui l’on a conféré l’asile, c) il a fait l’achat d’un immeuble avec son époux ou conjoint de fait qui est lui-même citoyen canadien, d) il possède son titre d’Indien au sens de la Loi sur les Indiens, ou e) il est résident permanent.
Le libellé de l’article 4 de la Loi sur l’interdiction d’achat d’immeubles résidentiels par des non-Canadiens précise que l’achat ne peut être fait directement ou indirectement. C’est donc dire qu’on ne peut procéder par l’entremise d‘un prête-nom (d’un citoyen canadien) pour procéder à l’achat d’un immeuble résidentiel visé par le présent article.
Dans la même veine, il convient de préciser les conséquences qui pourraient survenir à la suite du non-respect de la présente Loi. L’article 6 (1) de la Loi prévoit que tout non-Canadien qui contreviendrait à l’interdiction énoncée ci-haut pourrait se rendre coupable d’une infraction pénale et serait passible d’une amende pouvant aller jusqu’à dix mille dollars.
On ajoute à cela la possibilité pour « toute personne ou entité qui conseille, incite, aide ou encourage ou tente de conseiller, d’inciter, d’aider ou d’encourager un non-Canadien à acheter, directement ou indirectement, un immeuble résidentiel » de se rendre coupable de la même infraction.
La Loi crée aussi la possibilité d’engager la responsabilité personnelle des administrateurs, dirigeants, cadres, mandataires, etc., pour le cas où une infraction serait commise par l’entremise d’une société.
Advenant le cas où une telle transaction serait tout de même effectuée, le tribunal aura le pouvoir de rendre une ordonnance pour obliger la mise en vente de l’immeuble résidentiel en cause.
La Loi est entrée en vigueur le 1er janvier 2023, mais qu’en est-il si une promesse d’achat a été faite avant cette date?
L’article 4 (5) de la Loi nous indique que l’interdiction à tout non-Canadien d’acheter un immeuble résidentiel ne s’applique pas si, suite à une convention d’achat-vente, le non-Canadien devient responsable de l’immeuble ou en assume la responsabilité avant le 1er janvier 2023.
Toutefois, rien n’est précisé dans la Loi quant aux promesses d’achat antérieures au 1er janvier 2023. La Cour supérieure s’est toutefois prononcée récemment sur cette question en déterminant que l’interdiction d’achat d’immeubles résidentiels par des non-Canadiens « ne s’applique pas à une vente résultant d’une promesse d’achat et de vente conclue par un non-Canadien avant le 1er janvier 2023 »8 9.
Vu ce qui précède, les acteurs qui œuvrent dans l’industrie du courtage immobilier devront se montrer particulièrement prudents. Il est dont primordial pour ceux-ci de demeurer à l’affut des différents développements jurisprudentiels qui pourraient survenir de manière à pouvoir se conformer à la Loi en temps utile en s’assurant, notamment, de vérifier la nationalité véritable de tout acheteur potentiel.
1 - Parti Libéral du Canada, « Interdire les achats immobiliers aux étrangers » en ligne (consulté le 10 février 2023) : https://liberal.ca/fr/logement/interdire-les-achats-immobiliers-aux-etrangers/
2 - Loi sur l’interdiction d’achat d’immeubles résidentiels par des non-Canadiens, LC 2022, c 10, art. 235.
3 - Loi n° 1 d’exécution du budget de 2022 (L.C. 2022, ch. 10), art. 236 et 237 (2).
4 - Supra note 2, art. 2 ; Règlement sur l’interdiction d’achat d’immeubles résidentiels par des non-Canadiens, DORS / 2022-250, art. 3 (1).
5 - Statistique Canada, « Variante de la Classification géographique type (CGT) 2021 pour la classification des secteurs statistiques » en ligne (mise à jour le 2022-02-28) : https://www23.statcan.gc.ca/imdb/p3VD_f.pl?Function=getVD&TVD=1348193&CVD=1348194&CPV=A&CST=01012021&CLV=1&MLV=3
6 - Statistique Canada, « Zone D’influence métropolitaine de recensement (ZIM) » en ligne (consulté le 2023-02-13) : https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/92-195-x/2016001/other-autre/miz-zim/miz-zim-fra.htm
7 - Supra note 2, art. 1.
8 - 9357-4010 QUÉBEC INC. c. Yi-Fang Tai, CS dossier 500-17-123410-220, 31 janvier 2023.
9 - Il est à noter qu’il s'agit d'un jugement déclaratoire suivant une demande formulée par différentes parties partageant des intérêts communs.