En vous inscrivant à notre infolettre vous acceptez de recevoir périodiquement des courriels de la part de Dubé Latreille Avocats Inc.
Désolé, une erreur s'est produite. Merci de réessayer plus tard.
Après des décennies consacrées à combattre le commerce des drogues illicites, le dépôt par le gouvernement fédéral du projet de loi C-45 prévoyant la légalisation du cannabis[1] n’a pas manqué de semer l’émoi à travers le pays. En effet, ce changement de cap majeur,qui a suscité de vifs débats dans l’arène publique, a contraint les provinces et les villes à adopter en catastrophe des lois et règlements pour encadrer notamment la possession, la culture, et l’usage du cannabis en prévision de l’entrée en vigueur[2] de la loi fédérale. Au Québec, le gouvernement provincial a adopté plusieurs mesures dont la Loi encadrant le cannabis.
Pour le cas spécifique des propriétaires d’immeubles à revenus, quel intérêt la décriminalisation du cannabis devrait-elle générer?
Dans un premier temps, si vous n’avez pas déjà procédé à la modification des conditions de bail[3] de votre immeuble ou des règlements régissant votre condominium pour régir cette pratique, voir l’interdire, il est à prévoir que certains de vos locataires,copropriétaires, ou usagers vont se prévaloir de ce changement législatif pour en consommer librement.
Or, il faut savoir que la forte odeur que génère la consommation de cannabis peut s’avérer très incommodante et persistante pour l’entourage en plus de continuer à être associée aux préjugés défavorables d’un comportement socialement et historiquement répréhensible[4]. Conséquemment, il faut s’attendre à ce que cette pratique dans les aires communes ou privées occasionne un nouveau type de plaintes ou poursuites pour atteinte à la qualité de vie, trouble de voisinage[5], etc[6]. De plus, il faut prévoir également que tout locataire ou acheteur potentiel fasse de l’absence d’interdiction à cet égard un enjeu déterminant pour le choix d’un immeuble. Ultimement, il est à craindre que la marijuana pourrait affecter autant la fréquentabilité que la valeur marchande de votre immeuble.
Ce constat est perturbant, mais il y a plus.
Actuellement, l’article 10 de la Loi encadrant le cannabis[7] prohibe la culture du cannabis à des fins personnelles. Toutefois, la loi fédérale permet le contraire en autorisant expressément la culture de 4 plantes à domicile[8]. Dans les circonstances, ce conflit de lois ne manquera pas de donner lieu à des débats judiciaires qui se rendront éventuellement jusqu’en Cour suprême. Ultimement, si la plus haute cour au pays devait déterminer que la loi fédérale avait préséance, les propriétaires d’immeubles devront, à nouveau, se montrer très vigilants pour des raisons essentiellement d’assurabilité.
En effet, en dehors des risques liés à la consommation, il faut songer également aux risques inhérents à la culture du cannabis : les dégâts causés par l’eau, les moisissures, les risques d’incendies et même le vol…Comme l’assuré a le devoir d’aviser son assureur en cas d’aggravation de risque[9], ceci risque d’avoir un impact sur les primes ou de faire l’objet d’exclusions,d’autant plus que un bon nombre d’assureurs semblent réticents à assumer de tels risques. Or, un propriétaire d’immeuble peut-il se permettre de donner libre cours à une activité qui constitue au mieux un cas d’exception à sa couverture d’assurances?
Vu ce qui précède, il serait avisé et prudent d’entrevoir la modification des baux en vigueur ainsi que les règlements qui régissent les immeubles en copropriétés afin de prévenir les difficultés et les risques substantiels qu’annoncent ce changement législatif pour les propriétaires d’immeubles.
[1] L’expression « marijuana » est aussi employée pour désigner le cannabis.
[2] La Loi C-45 est entrée en vigueur le 17 octobre 2018.
[3] La Loi encadrant le cannabis prévoit des mesures transitoires à l’article107 qui se lit comme suit :
107. Un locateur peut, d’ici le 15 janvier 2019, modifier les conditions d’un bail de logement en y ajoutant une interdiction de fumer du cannabis.
(…)
En l’absence de refus, l’interdiction est réputée inscrite au bail 30 jours après la réception par le locataire de l’avis de modification.
[4] Comparativement, et bien que les mœurs et les lois aient considérablement évolué à cet égard depuis peu, la cigarette et autres produits du tabac ont longtemps bénéficié d’un degré d’acceptabilité sociale élevé.
[5] Code civil du Québec, voir articles 976, 1854, et 1860.
[6] Le problème de la fumée secondaire peut potentiellement mener à la découverte de lacunes dans l’immeuble au niveau du système de ventilation, ce qui pourrait exposer le propriétaire ou le syndicat de copropriétaires à des poursuites coûteuses.
[7] Loi encadrant le cannabis, article 10.
10. Il est interdit de faire la culture de cannabis à des fins personnelles.
Cette interdiction de culture s’applique notamment à la plantation des graines et des plantes, la reproduction des plantes par boutures, la culture des plantes et la récolte de leur production.
(…)
[8] Loi sur le cannabis C-45, article 12(5):
Culture, multiplication ou récolte — limite par maison d’habitation
(5) Sauf autorisation prévue sous le régime de la présente loi, dans le cas d’une maison d’habitation où résident habituellement deux ou plusieurs individus âgés de dix-huit ans ou plus, il est interdit à l’un quelconque d’entre eux de cultiver, de multiplier ou de récolter des plantes de cannabis si cela a pour effet de porter à plus de quatre le nombre de plantes de cannabis qui y sont cultivées, multipliées ou récoltées en même temps.
[9] Code civil du Québec, article 2466.