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Tout au long de cette crise sanitaire, nous n’avons eu cesse de répéter que celle-ci était sans précédent et inédite. C’est bien pour cela que les incertitudes qui pèsent sur l’après COVID-19 et le « déconfinement progressif » vous obligent à repenser et à réfléchir à ce que sera votre activité commerciale,industrielle ou marchande après cet arrêt de l’activité économique pendant plusieurs semaines.
Il est fort probable que pendant l’urgence sanitaire décrétée par le gouvernement,vous n’avez pas pu exécuter vos obligations contractuelles ou seulement partiellement. Il serait bien optimiste de penser que la fin de l’urgence sanitaire permettra à tout un chacun de reprendre le cours normal de ses activités en faisant fi du passé.
Les stigmates de la pandémie mettront du temps à cicatriser et c’est pendant cette période de transition – reprise de l’activité économique – que des ajustements de vos contrats commerciaux seront probablement nécessaires.
Il ne s’agit plus en effet d’analyser ici la pandémie ou l’état d’urgence sanitaire en tant qu’évènement imprévisible, irrésistible et extérieur (force majeure), mais de se poser la question de l’exécution des contrats dans un contexte post-pandémique.
Les contrats commerciaux notamment dans les secteurs industriels de type aéronautique, aérospatial et automobile mettent en jeu une chaîne de fournisseurs et de sous-traitants nécessaires à la conception du produit final.
C’est bien cette problématique qui sera en jeu dans la période post-pandémie.
Par exemple, vos sous-traitants ont été mis à mal financièrement par la pandémie ou pire encore les sous-traitants auxquels vous faisiez appel ne sont plus opérationnels.
Le cas échéant, une recherche de nouveaux sous-traitants de relèves’imposera. Dans certains cas, ce nouveau sous-traitant devra être agréé par le client final, ses conditions de sous-traitance – délais et prix notamment –vont probablement différer de vos anciens sous-traitants.
C’est en ce sens que la renégociation de vos contrats commerciaux devra s’amorcer.
Mais la pandémie constitue-t-elle un cas d’imprévision qui permettrait à une partie de renégocier un contrat ?
Comme expliqué ci-avant, l’économie des contrats va être modifiée créant ainsi un déséquilibre dans le rapport contractuel en rendant les obligations souscrites par le débiteur plus difficilement exécutables sans pour autant l’empêcher totalement de les exécuter.
La théorie de l’imprévision n’est pas reconnue au Québec (contrairement au droit français par exemple).
L’imprévision ne s’applique donc pas a priori dans les relations contractuelles québécoises.[1] Le Code civil du Québec ne reconnait pas le régime de l’imprévision (sauf dans certains cas précis quine concernent pas l’objet du présent bulletin) et la jurisprudence privilégiant la sécurité juridique des contrats refuse d’intervenir dans la révision des contrats pour imprévision.
Cependant,rien n’empêche les parties de prévoir une clause expresse dans leur contrat pour définir le régime de l’imprévision et se protéger ainsi de ses conséquences.
Il importe donc d’examiner le contenu de ses contrats si l’on souhaite invoquer l’imprévision.
Comment la situation peut-elle se régler si aucune stipulation contractuelle n’envisage la renégociation du contrat en cas de circonstances imprévisibles lors de la conclusion du contrat rendant ainsi l’exécution plus coûteuse pour une partie ?
Les articles 6, 7 et 1375 du Code civil du Québec posent le principe de la bonne foi.[2]
En l’absence d’entente entre les parties, c’est sans aucun doute sur le fondement de la bonne foi qu’une renégociation du contrat pourrait être envisagée lorsque des changements majeurs rendent l’exécution du contrat par l’une des parties excessivement plus onéreuse mettant ainsi en péril sa situation financière et en conséquences a survie.
C’est à ce titre que le refus de la part d’une partie contractante de renégocier avec son partenaire pour adapter leur entente aux changements intervenus après sa conclusion pourrait constituer une conduite allant à l’encontre des exigences de la bonne foi et par conséquent un exercice excessif et déraisonnable de la force obligatoire du contrat.
Ce refus pourrait également dénoter un manquement à l’obligation de collaboration, de coopération et de loyauté à laquelle est tenu tout contractant durant l’exécution du contrat. Cette obligation découle de la règle de bonne foi prévue à l’article 1375 du Code civil du Québec[3].
Les tribunaux québécois seront probablement appelés à se prononcer sur des demandes de révision de contrats fondées sur le concept de bonne foi et d’équité contractuelle lorsque les conditions relatives à l’exécution d’un contrat sont à ce point modifiées par des circonstances imprévisibles quel’équilibre contractuel du contrat est rompu et que l’exécution du contrat met en péril financièrement l’une des parties.
La jurisprudence aura certainement l’occasion d’évoluer dans le sens d’une reconnaissance de la théorie de l’imprévision et d’établir ainsi des critères permettant de réviser certaines clauses contractuelles d’un contrat en dehors de toutes stipulations prévues à cet effet.
Évidemment, il est à prévoir que les juges appliqueront de façon restreinte les possibilités de réviser un contrat en cas d’événement imprévisible survenu après la signature de celui-ci pour respecter d’une part la stabilité des relations contractuelles et d’autre part pour éviter qu’un cocontractant puisse trop facilement se soustraire à l’exécution de ses obligations.
Il sera dans l’intérêt commun des deux parties de négocier une révision.
En effet, si le débiteur de l’obligation peut exécuter son obligation, mais avec un risque de perte considérable, l’autre partie s’exposera au risque de perdre définitivement son cocontractant entraînant alors une résiliation du contrat.Il lui faudra alors trouver un nouveau cocontractant (ce qui ne sera pas aisé dans la période post-pandémique) et conclure un nouveau contrat à des conditions qui ne seront certainement pas plus avantageuses que celles qui auraient pu résulter d’une renégociation, ce qui en définitive aboutira au même résultat.
L’idée la plus raisonnable sera donc celle de renégocier avec ses fournisseurs de longue date les conditions d’exécution du contrat, le tout en prenant en compte le retour de conditions normales d’exécution pour le futur.
Que vous soyez fournisseur principal, sous-traitant ou client final œuvrant dans n’importe quel secteur d’activité, nous sommes là pour vous assister dans cette démarche de renégociation contractuelle.
[1] Churchill Falls (Labrador) Corporation Ltd. c. Hydro-Québec, AZ-51096311, 2014 QCCS3590.
[2]Article 6 du Code civil du Québec : « Toute personne est tenue d’exercer ses droits civils selon les exigences de la bonne foi. »
Article 7 du Code civil du Québec : « Aucun droit ne peut être exercé en vue de nuire à autrui ou d’une manière excessive et déraisonnable, allant ainsi à l’encontre des exigences de bonne foi »
Article 1375 du Code civil du Québec : « La bonne foi doit gouverner la conduite des parties, tant au moment de la naissance de l’obligation qu’à celui de son exécution ou de son extinction. »
[3] Éco-Graffitiinc. c. Francescangeli, (C.S., 2016-12-14), 2016QCCS 6242, SOQUIJ AZ-51351802, 2017EXP-181, EYB 2016-274205