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Chronique

Bulletin Vos Affaires

L’analyse jurisprudentielle de la force majeure à l’ère de la COVID 19

2020-10-26
Droit des affaires
Me Stéphanie David
Me Stéphanie David
L’analyse jurisprudentielle de la force majeure à l’ère de la COVID 19 : revue de la décision Hengyun International Investment Commerce Inc. c. 9368-7614 Québec inc., 2020 QCCS 2251.

L’analyse jurisprudentielle de la force majeure à l’ère de la COVID 19 : revue de la décision Hengyun International Investment Commerce Inc. c. 9368-7614 Québec inc., 2020 QCCS 2251. [1]

Il y a quelque temps déjà, nous nous étions interrogés sur la gestion des loyers commerciaux impayés lorsque le gouvernement du Québec, au pic de la pandémie dans notre province, avait notamment ordonné la fermeture de tous les commerces et entreprises n’octroyant pas des services essentiels.

Retrouvez ce bulletin ici: Baux commerciaux – comment gérer vos loyers impayés

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Depuis lors, la décision Hengyun International Investment Commerce Inc. c. 9368-7614 Québec inc., en date du 16 juillet 2020, a analysé l’obligation des locataires de payer leur loyer dès lors que leurs activités ont fait l’objet d’une fermeture telle qu’ordonnée par le décret du no 223-2020 du 24 mars 2020.

Dans le contexte actuel et compte tenu du nouveau décret no 1020-2020 du 30 septembre 2020[2] ordonnant à nouveau la fermeture des restaurants, bars, musées, etc… notamment dans le territoire de la Communauté métropolitaine de Montréal, il apparaît opportun d’analyser cette jurisprudence qui pourrait trouver application pour cette seconde vague de fermeture.

LES FAITS :

Dans cette affaire, le locataire exploitant d'une salle de conditionnement physique se voit privé par le décret gouvernemental du 24 mars 2020 d'exercer son activité, car non jugée essentielle.

LES PRÉTENTIONS DES PARTIES :

C'est donc à ce titre que le locataire demande une réduction du paiement de ses loyers pour la période de mars 2020 à juin 2020 au motif qu'il n'a pas pu générer de revenu pendant cette période de pandémie et qu’il considère que cela constitue pour lui un cas de force majeure.

Le locateur quant à lui allègue une disposition du bail qui prévoit que le locataire ne peut être libéré de son obligation monétaire en cas de force majeure, telle que la clause reproduite ci-après le prévoit :

“13.03 Unavoidable delay

Notwithstanding anything in this Lease to the contrary, if the Landlord or the Tenant is delayed or hindered in or prevented from the performance of any term, obligation or act required hereunder by reason of superior force, strikes, lockouts, labour troubles, riots, accidents, inability to procure materials, restrictive governmental rules, regulations or orders, bankruptcy of contractors, or any other event whether of the foregoing nature or not which is beyond the reasonable control of the Landlord or the Tenant, as the case may be, then the performance of such term or obligation or act is excused for the period of the delay, and the party so delayed shall be entitled to perform such term, obligation or act within the appropriate time period after the expiration of such delay, without being liable in damages to the other.

However, the provisions of this Section 13.03 shall not operate to excuse the Tenant from the prompt payment of the Base Rent or Additional Rent or any other payments required by this Lease.

                                           (Emphase mise en gras par la cour)

Il est par ailleurs intéressant de souligner également que le locateur alléguait que puisque le locataire avait reçu une aide gouvernementale à hauteur de 40.000 $ il ne pouvait pas prétendre à une diminution de son loyer.

LA DÉCISION DE LA COUR :

Dans cette affaire, la Cour donne raison au locataire, mais pour des motifs différents de ceux avancés par ce dernier.

Tout d’abord, la Cour rappelle les critères exigés pour qualifier un évènement de force majeure. [3]

Elle rappelle également que le critère d'irrésistibilité n'est pas rempli s'agissant d'une obligation monétaire puisque le fait de rendre l'obligation plus onéreuse ou plus difficile ne satisfait pas à ce critère d'irrésistibilité.

La Cour considère alors que c’est le bailleur qui a été empêché de procurer la jouissance paisible des lieux loués au locataire en raison du décret gouvernemental.

En conséquence, au visa de l'article 1694 du C.c.Q qui dispose :

« Le débiteur ainsi libéré ne peut exiger l’exécution de l’obligation corrélative du créancier; si elle a été exécutée, il y a lieu à restitution.

Lorsque le débiteur a exécuté son obligation en partie, le créancier demeure tenu d’exécuter la sienne jusqu’à concurrence de son enrichissement. »

la Cour décide que puisque le bailleur n’a pas pu procurer la jouissance paisible du bail au locataire pendant la période litigieuse alors l'obligation corrélative du locataire de payer le loyer ne peut être réclamée.

Par ailleurs, ce qui est intéressant, c'est que la Cour considère que la disposition du bail 13.03 (reproduite ci-dessus) et soulevée par le locateur ne trouve pas application en l'espèce, car cela reviendrait à complètement dégager la responsabilité du bailleur quant à son obligation essentielle, celle de procurer la jouissance paisible des lieux loués.

En conséquence, la Cour accorde une réduction des loyers au locataire pour les mois de mars à juin 2020.

Cette décision n’a pas été portée en appel.

Enfin, il nous apparaît aussi opportun de souligner plusieurs décisions dont notamment Tubes et Jujubes Centre d’amusement familial inc. c. 8937974 Canada inc.[4] où la Cour Supérieure, au stade des mesures provisoires, a accueilli la demande interlocutoire-provisoire du locataire pour empêcher la résiliation de son bail en estimant que le refus du propriétaire d’adhérer au programme d’Aide d’Urgence du Canada pour le Loyer commercial (AUCLC)[5] l’empêchait de résilier le bail de son locataire pour défaut de paiement du loyer.

CONCLUSION :

Il est nécessaire de rappeler que chaque situation doit être analysée individuellement ainsi que les dispositions du bail commercial liant les parties.

Ceci étant dit, la liberté contractuelle laissée jusqu’alors aux parties pour aménager la mise en œuvre de la force majeure notamment par le jeu des clauses limitant son application aux obligations monétaires, pourrait être mise à mal par d’autres décisions qui pourraient suivre en matière de louage.

La pertinence de cette décision nous interpelle dans le nouveau contexte sanitaire qui s’est ouvert le 1er octobre jusqu’au 28 octobre 2020 et qui sera probablement renouvelé…
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1 - https://www.canlii.org/en/qc/qccs/doc/2020/2020qccs2251/2020qccs2251.html?autocompleteStr=hengy&autocompletePos=1

2 - https://cdn-contenu.quebec.ca/cdn-contenu/adm/min/sante-services-sociaux/publications-adm/lois-reglements/decret-1020-2020.pdf?1601508591

3 - Article 1470 du Code civil du Québec : https://elois.caij.qc.ca/CCQ-1991/article1470

4 - https://www.canlii.org/fr/qc/qccs/doc/2020/2020qccs1934/2020qccs1934.html?autocompleteStr=tubes%20et%20jujubes&autocompletePos=1

5 - Rappelons que ce programme fédéral offre une aide gouvernementale au locataire en prenant en charge 50% de son loyer commercial mensuel, le propriétaire accepte de perdre 25 % de son revenu locatif mensuel, de sorte que le locataire ne supporte financièrement que 25% de son loyer mensuel.

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