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Chronique

Bulletin Vos Affaires

Pouvons-nous légalement utiliser une contre-lettre lors d’une transaction?

2023-05-08
Droit des affaires
Me Francis Azar
Me Francis Azar
Pouvons-nous légalement utiliser une contre-lettre lors d’une transaction?

DROIT DES CONTRATS

Pouvons-nous légalement utiliser une contre-lettre lors d’une transaction?1

Par Francis Azar2

La rédaction d’une contre-lettre est, sous certaines réserves, légale et peut être utilisée de manière tout à fait légitime. Il peut être déstabilisant au départ que ce type de contrat, qui laisse à première vue une impression de manque de transparence ou de tromperie, soit légal. Néanmoins, il peut laisser place à bien des ennuis lorsqu’il est mal compris ou utilisé à mauvais escient. Dans cette publication, nous démystifierons son cadre légal et mettrons en lumière certains points importants quant à son utilisation.

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La contre-lettre découle en fait du régime de la « simulation ». On la définit la simulation comme suit :

« Il y a simulation lorsque les parties conviennent d’exprimer leur volonté réelle non point dans un contrat apparent, mais dans un contrat secret, aussi appelé contre-lettre.
Entre les parties, la contre-lettre l’emporte sur le contrat apparent. »3

Pour que la simulation prenne effet, il faut être en présence de deux éléments constitutifs, soit un acte réel (la contre-lettre) et un acte apparent (le contrat au vu et au su de tous), que ceux-ci soient conclus de manière simultanée, et que l’intention soit de dissimuler l’acte réel. Le tout doit être fait sans fraude ou sans contrevenir à l’ordre public4

On ne peut pas, cependant, recourir à la contre-lettre pour frauder un tiers, accomplir un acte juridique qui serait autrement illégal (prenons l’exemple d’un ressortissant étranger qui utiliserait le nom d’un citoyen canadien tout simplement pour contourner l’effet d’une loi afin de se porter acquéreur d’une propriété immobilière au Canada) ou pour échapper à ses responsabilités en matière fiscale5

Il est possible que la contre-lettre soit verbale; toutefois, tel que décrit dans la décision Andjorin c. Bourbonnais6, cela pourrait mener à des complications au niveau de la preuve de l’existence d’une telle entente. Effectivement, il est de la responsabilité de la partie qui désire s’en servir d’en faire la preuve, et un commencement de preuve7 pourrait être nécessaire si l’on veut l’invoquer par témoignage.

Vous trouverez ci-bas quelques exemples non limitatifs de cas où l’on pourrait utiliser ce type de contrat.

Cacher la nature du contrat

Il serait possible de constituer un contrat de vente en apparence alors que, parallèlement, les parties conviennent dans une contre-lettre qu’il s’agit en fait d’une donation. Tel que cité précédemment, ce sera alors la contre-lettre qui l’emportera entre les parties sur le contrat apparent. Le tout doit être fait sans intention de fraude.

Cacher certaines modalités du contrat

Dans certains cas, les parties peuvent convenir de ne modifier que certaines clauses du contrat apparent. Nous pouvons penser à un contrat de location (bail) où les parties pourraient prévoir dans un contre-lettre un prix qui serait différent de celui affiché au contrat.

Cacher une partie au contrat

D’autre part, une partie pourrait choisir de faire une donation au nom de quelqu’un d’autre à un organisme tout en demeurant dans l’anonymat. Nous pouvons ainsi penser au concept de prête-nom suivant lequel une personne pourrait effectuer une transaction sous le nom d’une autre personne.

Quel est l’effet de la contre-lettre?

Tel que discuté plus haut, c’est la contre-lettre qui a préséance entre les parties. C’est donc dire qu’en cas de conflit, les parties devront s’y référer et ne pourront invoquer le contrat apparent étant donné qu’elles se sont déjà entendues au préalable pour délaisser celui-ci de la contre-lettre.

En ce qui a trait aux tiers, soit ceux qui ne sont pas parties à la contre-lettre, il n’est pas possible de la leur opposer.

« Les tiers de bonne foi peuvent, selon leur intérêt, se prévaloir du contrat apparent ou de la contre-lettre, mais s’il survient entre eux un conflit d’intérêts, celui qui se prévaut du contrat apparent est préféré. »8

C’est donc dire que les tiers ont le choix de se servir de la contre-lettre s’ils considèrent qu’elle leur est favorable, mais on ne peut pas choisir pour eux9.

Banque Toronto-Dominion c. Lapierre

Tel était le cas dans l’affaire Banque Toronto-Dominion c. Lapierre10 où la banque poursuit la propriétaire apparente en recouvrement d’un prêt garanti par hypothèque sur un immeuble. La propriétaire apparente refuse de payer alléguant qu’elle n’a jamais acheté l’immeuble parce que dans les faits une contre-lettre existait et que les vrais propriétaires sont deux autres personnes. 

Il appert des faits que la propriétaire apparente avait conclu une entente à l’effet qu’elle recevrait un montant d’argent de la part des vrais propriétaires lors de la signature en échange de mettre l’immeuble à son nom. Il était entendu qu’elle ne serait pas la réelle propriétaire du bâtiment. Ce faisant, elle se croyait libérée de toute responsabilité n’étant pas la vraie propriétaire suivant la contre-lettre.

Quelques années plus tard, les propriétaires réels suivant la contre-lettre quittent le pays et cessent les paiements. C’est ce qui amène la banque à entreprendre un recours contre la propriétaire apparente.

La Cour conclut qu’étant donné que la banque n’a pas été informée de la contre-lettre, elle se qualifie donc de tiers de bonne foi. Ce faisant, elle peut :

« ignorer l’acte de simulation et se prévaloir du contrat apparent, et considérer que Mme Lapierre est la véritable propriétaire de l’immeuble de Saint-Lin »11

Conséquemment, la propriétaire apparente se trouve donc responsable de la dette envers la banque bien qu’elle pourrait intenter un recours par la suite contre les réels propriétaires qui ont quitté le pays.

Conclusion

En somme, l’utilisation de la contre-lettre peut amener un lot de conflit entre les signataires eux-mêmes, mais aussi avec les tiers. On doit utiliser ce type de contrat avec prudence et dans le respect des lois en vigueur pour ne pas se retrouver face à de mauvaises surprises.

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1 - Mise en garde : Le présent article ne vise qu’à procurer au lecteur des renseignements d’usage général qui pourraient ne pas s’appliquer à toutes les situations, juridictions ou circonstances. Conséquemment,  il ne constitue pas un avis juridique. Pour des conseils légaux appropriés, prière de consulter un.e avocat.e. 

2 - M. Francis Azar est stagiaire en droit chez Dubé Latreille.

3 - Art. 1451 Code civil du Québec.

4 - Vincent Karim, Les obligations [vol. 1], 5e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2020, paragraphe 2695. 

5 - Il est d’ailleurs à noter qu’il est obligatoire de dénoncer tout contrat de prête-nom aux autorités fiscales via le formulaire TP-1079.PN-V.

6 - Andjorin c. Bourbonnais, 2015 QCCS 431.

7 - Art. 2862 Code civil du Québec.

8 - Art. 1452 Code civil du Québec.

9 - Vincent Karim, Les obligations [vol. 1], 5e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2020, paragraphe 2707. 

10 - Banque Toronto-Dominion c. Lapierre, 2015 QCCS 1014 (CanLII).

11 - Banque Toronto-Dominion c. Lapierre, 2015 QCCS 1014 (CanLII) au paragraphe 95.

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